La différence entre un voyage et la vie quotidienne est le passage du
temps. Pour la plupart d’américains, on a deux semaines de vacances. En deux
semaines, c’est impossible de faire les vraies amitiés, de connaître les noms
des gens qui vous passez jour par jour. Les vacances sont pour ceux qui veulent
échapper la vie. Ici, nous restons à Barcelonnette pour quatre semaines. Quatre
semaines pour partager la vie avec les habitants de la vallée de l’Ubaye.
En passant, je jette mon regard aux
jardins et aux fenêtres des étrangers. Je me demande s’ils aiment s’asseoir
dehors pendant qu’ils boivent leur café le matin. Je vois des bouquets des fleurs
et des croix sur le bord de la rue, et je veux savoir qu’est-ce qui s’est passé.
Qui est mort ? Comment est-ce qu’il a perdu la vie ? Est-ce qu’il
était amoureux de quelqu’un ? Est-ce qu’il a aimé les montagnes que
je vois autour de moi maintenant?
Quand je regarde la levée du soleil dessus les montagnes, je remarque comment
une moitié de la montagne peut être dans l’ombre pendant que l’autre côté
absorbe la lumière chaleureuse de Provence. C’est une bonne métaphore pour l’apprentissage
d’une langue. Il y a toujours des moments où je me trouve, à mon grand chagrin,
capable de parler français même quand je pense en anglais, comme si l’aube de
la langue française avait touché ma langue, tandis que mon cerveau s’est caché
dans l’ombre de l’anglais.
Nous avons tous un lien très fort à notre langue maternelle. Une fois, j’ai
parlé avec un homme du Salvador qui m’a dit qu’il préférait lire en espagnol
plus qu’anglais, parce qu’il se trouvait plus à l’aise avec la langue de ses
ancêtres. Nous sommes toujours attachés à notre première langue, à notre
premier pays.
Il y a des fois quand le mal du pays m’approche comme les vagues de la mer. Néanmoins, c’est le moment où ma famille me manque trop, que la tristesse se recède. Mes parents sont toujours avec moi. Je devine leurs pensées dans le vent.
Je ressens leur embrasse dans la
chaleur du soleil. Je vois ma mère quand je regarde les femmes de l’Office de
Tourisme de Jausiers avec leurs enfants. Mon père m’apparait chaque fois que
mon professeur Bernard sourit en racontant une histoire.
J’ai une vie outre Atlantique, une vie complète. J’ai une famille qui me
connaît, qui m’accepte, qui aime (j’espère) ma personnalité et mes manières.
J’ai des amis. Je suis un membre d’une église.
Ici, ce qui est étrange pour moi est comment je commence d’avoir une vie en
France avec une famille, des amis, des collègues. J’ai du travail. Il faut que
je fasse les courses de temps en temps. Au Centre Jean Chaix, j’ai des frères et
des sœurs qui font les mêmes erreurs que moi, qui souffrent aussi du mal du
pays de temps en temps et qui aiment rire follement ensemble.
Quand je suis allée à Aix, j’ai vu la lune à ma droite et le soleil à mon
côté gauche. Deux orbes dans le même ciel. Ici, il est 9h, 2h en Louisiane.
Dans mon cahier, il y a partout des mots et des phrases en anglais et en
français. Je suis étrangère─ une créature qui habite dans l’espace éphémère
entre deux mondes.
Le temps passe. Je commence à savoir
comment les Ubayens vivent. Je travaille avec eux. Je mange avec eux. Je
partage leur café, leurs biscuits, leurs montagnes. Et soudain, ce pays étrange
devient de plus en plus normal, et je me sens comme si je suis chez moi.
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